Enrobés routiers

Décidément, on en a mis partout. Jusque dans les routes ! Parce qu’il procurait une meilleure résistance en évitant notamment les nids de poule, l’amiante a volontairement été glissé dans le bitume des voiries durant plusieurs décennies jusqu’au milieu des années 1990. Résultats, en cas de travaux sur la chaussée, un repérage de l’amiante est parfois nécessaire pour s’assurer qu’on ne va pas libérer des fibres toxiques.

La recherche d’amiante dans la voirie est une obligation au titre de l’évaluation des risques. Autrement dit, avant de démarrer un chantier, le maître d’ouvrage doit évaluer les risques auxquels seront soumis les travailleurs. Les conclusions du diagnostic sont donc précieuses car elles permettront d’adapter les mesures de prévention.

Les carottages routiers répondent souvent à une double préoccupation du donneur d’ordre. On y recherche l’amiante, mais aussi les HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques), autre polluant cancérogène coutumier des voiries. En effet, la teneur en HAP déterminera la dangerosité des déchets, et par ricochet la filière appropriée pour leur élimination.

Quand réaliser le repérage de l’amiante sur une chaussée ?

Tant qu’on n’y touche pas, aucun souci. Mais en cas de travaux sur une chaussée, ce diagnostic devient indispensable. Et comme pour un bâtiment, peu importe l’ampleur du chantier. Qu’il s’agisse d’effectuer une tranchée sur quelques mètres pour raccorder une maison au gaz, ou de raboter 50 km de revêtement autoroutier. Toutes les voies sont concernées, un trottoir, une piste cyclable, une voirie privée, une autoroute, une route communale, l’amiante peut se cacher partout.

On l’a dit, jusqu’au milieu des années 1990, l’amiante a été glissé volontairement dans les bitumes. À moins que le maître d’ouvrage ne dispose d’une documentation de l’époque suffisamment renseignée, où qu’un repérage de l’amiante ait déjà été réalisé, il faudra donc effectuer des carottages sur la chaussée.

Mais la question se pose aussi pour les enrobés plus récents. >Primo, parce que les revêtements des années 1970-1995 ont longtemps été recyclés, sans que l’on recherche l’amiante. Moralité, on a très bien plus réemployer des bitumes amiantés dans de nouvelles voiries. Deuxio, en cherchant l’amiante chrysotile utilisé à des fins industrielles, les laboratoires d’analyses sont aussi tombés sur de l’amiante naturel. Rien d’étonnant, les granulats utilisés dans les chaussées, peuvent aussi contenir de l’actinolite-amiante de façon fortuite : après tout, l’amiante est présent dans la nature, y compris dans les carrières d’extraction qui alimentent les chantiers routiers. Et que cet amiante soit naturel ne change rien, il reste toujours aussi dangereux.

Comment réaliser un repérage amiante de la chaussée ?

Question délicate. En fait, pendant longtemps, aucune méthodologie n’était officiellement définie. L’opérateur se mettait souvent d’accord avec le maître d’ouvrage pour définir à quelle fréquence, il devait réaliser des carottages dans la chaussée. L’usage voulait que ces sondages et prélèvements interviennent à chaque fois que le revêtement changeait de nature, à chaque fois que l’on tombait sur une « rustine », comme un nid de poule rebouché par exemple. Les carottes de bitume étaient ensuite envoyées à un laboratoire accrédité pour analyse.

La parution de la norme NF X 46-102 en octobre 2020 définit désormais une méthodologie officielle, qui devrait d’ailleurs être rendue obligatoire. Selon la nature de la chaussée, un nombre minimum de prélèvements devra être réalisé. Par exemple, pour une route en agglomération ou une piste cyclable, il faut compter tous les 200 mètres maximum. La norme impose également une véritable stratégie de sondages, puisque l’opérateur devra définir des CPSM (couche présentant une similitude de matériau) ; en clair s’assurer qu’entre deux sondages, les carottes présentent un même aspect : même granulométrie, même nombre de couches, même épaisseurs et même résultat à l’amiante.

Cette norme encadre également les relations avec le donneur d’ordre, précise la forme du rapport qui s’accompagnera d’une cartographie pour localiser les enrobés amiantés, ainsi qu’une estimation des déchets amiantés.

À quoi sert le carottage des enrobés ?

Nous sommes exactement dans la même situation que pour un repérage avant-travaux dans un immeuble bâti. Il faut d’ailleurs savoir que a réglementation considère les routes et autres voiries comme des « immeubles non bâtis ».

On recherche d’abord l’amiante dans le cadre de l’évaluation des risques afin de s’assurer que lors du sciage d’une chaussée, de son rabotage, ou même d’un perçage, les travailleurs ne seront pas exposés à l’amiante. Le maître d’ouvrage est donc tenu de remettre ce repérage à tout intervenant du chantier. Sinon, comment voulez-vous définir des moyens de protection appropriés sans même savoir si les enrobés contiennent ou non de l’amiante ?

Et comme pour les autres avant-travaux, en cas d’absence de repérage, l’inspection du travail -plutôt tatillonne sur le sujet- n’hésitera pas à stopper net les travaux. On ne compte plus les chantiers de voirie arrêtés du jour au lendemain parce que le maître d’ouvrage n’avait pas réalisé un repérage amiante en amont. Dans le meilleur des cas, cet arrêt de chantier se solde par un retard sur le programme des travaux ; dans les autres cas, si de l’amiante est décelé dans les enrobés, il faudra revoir tous les modes opératoires avec des retards et des surcoûts souvent très lourds. Sans compter les éventuelles poursuites pénales dans le cas où des salariés ont été exposés à l’amiante car la jurisprudence en la matière s’est encore renforcée en 2018.

Réglementation

La recherche de l’amiante dans les voiries entre dans le cadre réglementaire de l’avant-travaux et du décret n° 2017-899 du 9 mai 2017 relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations. Toutefois cette réglementation reste en gestation fin 2020 puisqu’il manque encore un arrêté d’application -attendu pour 2021- afin d’encadrer le repérage amiante des voiries, sa méthode, les compétences requises, etc.

Que la réglementation ne soit pas aboutie, ne signifie pas pour autant que l’on peut se passer du repérage. Le ministère du Travail l’a rappelé à plusieurs reprises, même si tous les textes ne sont pas encore publiés, le repérage avant-travaux sur la voirie est obligatoire au titre de l’évaluation des risques.

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